Conversations en service #2
- Fanny Mazas
- 19 mars 2016
- 2 min de lecture
14h, je sors du centre d’arcenciel de Jisr el Wati pour me rendre au siège de Jisr el Bacha. Je traverse le souk el-ahad, fantomatique en semaine avec ses structures en métal prêtes à accueillir les stands du weekend, et traverse la route pour me mettre du bon côté. Après quelques minutes de faux espoirs, un service s’arrête enfin et agrée ma destination.
Je monte à l'avant à côté du chauffeur, un vieux au visage malicieux.
- Vous êtes Française ? Vous travaillez chez arcenciel ?
- Euuuh oui…et vous devin ?!
- Je voudrais un poste chez arcenciel
Moi, un peu désarçonnée mais pleine de sollicitude : Ah…on fait beaucoup de choses vous savez, qu’est-ce qui vous intéresse ?
- Directeur.
- Ah directeur ! - Ben oui maintenant je suis travaille à moi-même, je suis mon directeur. Alors je ne pas accepter un poste en dessous !
- Haha, ben si le poste se libère je vous dirai…mais vous savez que chez arcenciel le directeur dit lui-même qu’il se doit d’être le plus serviteur.
- Des paroles, des paroles !
- Comme vous, vous faites service mais vous le faites bien payer !
Le terrain de l’humour étant conquis, la conversation peut devenir plus sérieuse, et l'on passe au tutoiement, plus naturel que le vouvoiement, inexistant en arabe.
- Comment t’appelles tu, dit-il en me tendant sa main burinée.
- Fanny
- Mais ce n’est pas Français comme prénom ça voyons !
- Si si c’est Provençal !
- Mais non c'est anglais. Fanny is funny ! (ils me font tous la blague ici ndlr)
Je vais te donner un autre prénom. Je t’appellerai Solaire !
- Haha personne ne s’appelle comme ça en France sur le coup ! Aw enta ?
- Moïse.
- Aaah ktir helo.*
-Mon Français est bon ? Quelle note tu me mets ?
-Oh, 7/10 !
-Non non c’est trop ! 4/10. Depuis 10 ans j’étais parfait à l’école. Mais depuis...
- Tu vis toute seule au Liban ?
- Euh non je vis en coloc mais….
Il me coupe net : Non mais ta famille ?
- Ah oui en France.
- Donc tu es toute seule. C’est bien, j’aime les filles dures. C’est dur de vivre loin de sa famille. Quand on est chez soi on se fait dorloter, Maman apporte moi un jus, Maman fais ma lessive…Moi je suis descendu à 17 ans de ma montagne pour vivre à la ville. C’était dur. Je devais devenir indépendant.
-Nous en France on est quand même indépendant plus tôt qu’ici. Ici souvent on ne quitte ses parents que lorsqu'on se marie !
(…)
Pas besoin de lui indiquer, il sait parfaitement où il, va et me dépose au pied d’arcenciel.
-Zut je n’ai plus de monnaie, j’ai juste ces quelques pièces mais…
-Khalas** quand tu me revois, tu me payes. Je t’aime bien tu es amusante !
-Merci Moïse…
Ou comment arriver avec un big smile au bureau…les chauffeurs de service sont vraiment une partie des plus attachantes de la faune de Beyrouth.
*Très joli
**C'est bon, ça suffit
Comments